vendredi 11 mars 2011

La chambre mortuaire : un service à part dans l’hôpital

La chambre mortuaire : un service à part dans l’hôpital
Un personnel et des activités méconnues
23 avril 2008 - Eléonore Freneau

Activité marginale et marginalisée par le monde hospitalier, la chambre mortuaire n’en reste pas moins un service hospitalier au même titre que les autres services de soins.

En premier lieu, la chambre mortuaire autrefois appelée « morgue » ou « amphithéâtre » doit être distinguée des chambres funéraires. En effet, comme précisé par la loi du 8 janvier 1993, contrairement à la chambre funéraire, la chambre mortuaire des établissements de santé ne constitue pas un des éléments du service extérieur des pompes funèbres.
Par conséquent, la chambre mortuaire ne relève pas de la mission de service public funéraire définie par l’article L 2223-19 du Code général des collectivités territoriales.
Selon le décret n°97-1039 du 14 novembre 1997, « les établissements de santé publics ou privés doivent disposer d’au moins une chambre mortuaire dès lors qu’ils enregistrent un nombre moyen annuel de décès au moins égal à 200 ». La chambre mortuaire est donc un équipement hospitalier destiné aux familles des personnes décédées dans l’établissement, afin qu’elle puissent disposer du temps nécessaire à l’organisation des obsèques.
Le régime juridique applicable au fonctionnement de la chambre mortuaire n’est pas distinct de celui qui gouverne l’ensemble des activités de l’établissement de santé où elle est installée.
Bien que relevant de la même responsabilité que les autres services de soins, la chambre mortuaire est, dans une réalité autre que juridique, une activité par nature très différente puisqu’elle accueille la mort ou l’échec de la médecine dans certains cas.
Il est d’ailleurs paradoxal d’ignorer ce service alors que plus de 80 % des français meurent à l’hôpital et donc transitent par ces structures. Malgré, ou à cause de cela, le législateur n’a pas oublié d’entourer ce domaine de règles très strictes.

Une activité strictement encadrée

Pour exemple, la durée de dépôt des corps à la chambre mortuaire est strictement délimitée. En effet, en principe, le corps du défunt ne doit pas rester plus de six jours après le décès. Le délai maximal toléré est de dix jours de dépôt pour les corps non réclamés par leur famille, délai au-delà duquel l’hôpital a l’obligation de faire procéder à l’inhumation du corps.
De même, l’article R 361-40 du Code des communes prévoit la gratuité du dépôt du corps à la chambre mortuaire mais celle-ci est limitée à trois jours après le décès. Au delà du troisième jour, l’établissement de santé a la faculté de facturer le dépôt du corps. Aujourd’hui, bon nombre d’établissement de santé facturent ainsi aux familles le séjour de leurs défunts au- delà de ce délai.
La chambre mortuaire, par la nature de ses activités, doit respecter de multiples prescriptions techniques. Précisé par l’article 1 de l’arrêté du 24 août 1998, « la chambre mortuaire doit comporter une zone publique destinée aux familles et une zone technique réservée aux professionnels ». Ce même arrêté détaille toutes les presciptions techniques applicables à ces deux zones mais il ne semble pas essentiel ici d’en préciser toutes les composantes.
Cependant, il faut souligner l’importance des opérations d’aménagement des locaux de la chambre mortuaire permettant un accueil digne des familles. Ces pièces doivent, en effet, être pensées pour que les familles soient à l’aise et avoir un aspect domestique.

La priorité est l’accueil des familles et les soins apportés aux défunts

La priorité dans une chambre mortuaire est l’accueil, l’information des familles et les soins apportés aux défunts par les personnels de la chambre mortuaire.
Tout d’abord, les personnels des chambres mortuaires relèvent en principe du statut des « agents de service mortuaire et de désinfection » et du décret n°2001-1033 du 8 novembre 2001. L’article 42 de ce décret indique que « les agents de service mortuaire et de désinfection sont chargés soit du service des personnes décédées et de la préparation des autopsies, soit des travaux que nécessite la prophylaxie des maladies contagieuses. Ils assurent, à ce second titre, la désinfection des locaux, des vêtements et du matériel et concourent au maintien de l’hygiène hospitalière ».
Les agents de la chambre mortuaire, bien que souvent soignants, ont un rôle différent de celui joué par les soignants des services de soins dits classiques. Ils travaillent tous les jours au contact de la mort, ils ne sont plus dans le soin à proprement parler. Cette particularité les rend marginaux ; ce personnel n’est, disons le franchement, pas toujours considéré à sa juste valeur. Leur tâche est pénible à plusieurs titres et pourtant beaucoup sont dans ces services par choix. Par choix d’accompagner les familles dans les premiers moments qui suivent le décès, par choix de rendre présentables les corps des défunts ou par empathie.
Il semble que le monde hospitalier, bien que conscient de l’impérieuse nécessité de la présence de ce type de personnel, n’est pas à l’aise, de même que l’immense majorité de la société, avec les gens qui travaillent au contact de la mort.
De manière générale, les français sont scandalisés par le "business" engendré par le décès d’autrui et ont plusieurs a priori au sujet des personnes travaillant auprès des défunts.

De nombreux préjugés

Bien que l’article R2223-89 du code général des collectivités territoriales offre la possiblité aux établissements de santé de facturer le dépôt d’un corps à la chambre mortuaire au-delà du troisième jour, on ne peut pas dire que la chambre mortuaire engendre, à l’inverse de certains opérateurs funéraires, beaucoup de profit. C’est donc, dans les établissements de santé disposant d’une chambre mortuaire, le second préjugé qui prédomine.
Travaillant avec ce personnel très régulièrement, il me semble temps de mettre un terme à cette image plus que dévalorisante. En considérant que toutes les personnes travaillant avec les défunts ont un problème avec la mort, la société n’est pas réaliste. Sans vouloir faire de généralité, certains agents sont altruistes, ce qui les fait lever le matin n’est pas morbide. Leur but est souvent de rendre moins pénible aux familles le moment redouté par tous.
Cependant, il faut reconnaître que la particularité de ce travail rend le personnel de la chambre mortuaire différent à bien des égards et souvent difficile à gérer. Est-ce son absence de reconnaissance par le reste du personnel soignant hospitalier ou la pénibilité de son travail qui rend ce personnel plaintif et bien souvent insatisfait de ses conditions de travail ? Cela est impossible à dire mais il n’empêche qu’à force de trop diaboliser ses fonctions, ce personnel ne se sent pas valorisé et que, par conséquent, il se dévalorise en permanence. Le chat se mord la queue...

Des activités de médecine légale

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Institut médico-légal de Paris

La chambre mortuaire est un service à part dans les établissements de santé dans la mesure où, en sus de l’activité mortuaire, il accueille généralement bien d’autres activités. C’est le cas de la médecine légale, des autopsies scientifiques, des prélèvements de cornées et de la foetopathologie.
Même si l’activité prioritaire doit rester l’activité mortuaire, la chambre mortuaire doit s’organiser en tenant compte des autres activités thanatologiques. Il s’agit, tout d’abord, de la médecine légale. Intégrer une activité de médecine légale dans une chambre mortuaire n’est pas toujours aisé ; c’est faire pénétrer à l’hôpital la Justice, la police ou la gendarmerie. Le problème n’est pas le mélange des genres ; il s’agit plutôt de faire cohabiter tous ces intervenants de manière harmonieuse et dans le respect des impératifs des uns et des autres. En effet, dans la mesure où les agents de service mortuaire préparent le autopsies, y assistent et aident à la restauration du corps, la question de l’organisation et de la planification des activités est cruciale. Cependant, qu’y a-t-il de plus imprévisible que la mort, hormis les cas de maladies qui ne nécessiteront que rarement des autopsies ? La planification ne peut donc être envisagée que sous l’angle de plages horaires respectant des horaires d’ouverture par exemple. La planification doit relever d’un management efficace, c’est pourquoi toutes les textes s’accordent pour favoriser le soutien du responsable du service par la direction de l’hôpital.
En cela aussi, la chambre mortuaire est un service à part dans la mesure où il est possible que certaines de ses activités soient dictées par une autorité autre qu’hospitalière. La création de structures indépendantes des chambres mortuaires dans les CHU faciliterait peut-être, un peu les choses.
La médecine légale est une spécialité aux pratiques aujourd’hui très disparates sur le territoire et en attente de définition claire et d’encadrement, selon le rapport du député de la Somme, monsieur Olivier Jardé remis au Premier Ministre en décembre 2003.

Une nouvelle spécialité ; la foetopathologie

En ce qui concerne les autres activités mortuaires telles que la foetopathologie, les autopsies scientifiques ou les prélèvements de cornées, elles nécessitent la même planification. Une nouvelle spécialité retient, cependant, l’attention des personnels de chambre mortuaire : il s’agit de la foetopathologie.
En effet, cette médecine, destinée à aider les parents à comprendre les causes scientifiques du décès de leur enfant, présente un grand intêret en terme de génétique. Au niveau de la chambre mortuaire, cette activité ajoute une difficulté supplémentaire pour les soignants : prendre en charge des fœtus et leurs parents en général choqués. S’ils ne sont pas tous tenus d’organiser des obsèques, tous les parents peuvent demander à voir leur enfant une dernière fois après l’autopsie. Ces moments douloureux sont difficiles à soutenir pour le personnel. Une circulaire du 28 janvier 2008 incite d’ailleurs les établissements de santé à former les personnels à cette prise en charge bien particulière et à proposer un soutien psychologique.

L’intervention des opérateurs funéraires

Enfin, la chambre mortuaire est un service original en ce sens qu’il est, sans arrêt, occupé par des opérateurs funéraires, des thanatopracteurs chargés, à la demande des familles, des soins de conservation des défunts et par l’agent municipal chargé de poser les bracelets d’identification sur les défunts.
Le principe pour les familles reste la liberté dans l’organisation des obsèques : la liste des opérateurs établie par le préfet du département doit être affichée dans la chambre mortuaire à la vue du public.
Toutes ces personnes ont un point en commun : travailler au contact de la mort au sein d’un service hospitalier. L’importance du nombre de ces personnels rend parfois ce service difficile à canaliser tant ce petit monde se comprend. La compréhension entre professionnels est importante mais dans certaines chambres mortuaires, on perçoit qu’elle a pris le pas sur le professionnalisme des agents entraînant un copinage nocif pour le sérieux de ces services à part.

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