Le droit médical
Cours du 27/01/04 du Pr. M. Penneau
Résumé par Alexandra Salfati
I- La conception du droit médical
I-1 Définition
Le droit médical en tant que discipline à part entière n’existe pas. C’est un domaine du droit largement hétéroclite, qui se fonde sur divers domaines du droit. Sa compréhension ne peut aller de pair qu’avec une connaissance et une compréhension globale de l’ensemble du droit.
On peut donc, le définir comme étant « l’ensemble des connaissances juridiques qui trouvent à s’appliquer dans l’exercice de la profession médicale ».
I-2 Composants
Le droit pénal : Il n’y a pas un droit pénal spécifique pour les médecins. Les règles qui leurs sont appliquées sont les mêmes pour tous. Certaines infractions spécifiques ont été créées dernièrement par les lois de bioéthique entre autres.
Le droit civil : Il en va de même pour le droit pénal en ce que les règles générales du droit civil s’appliquent aux médecins comme à tout individu. Dernièrement certaines règles spécifiques ont été créées.
Depuis l’arrêt Mercier, les rapports du médecin et du patient sont réglés par un contrat, instaurant une obligation de moyen à la charge du praticien. C’est donc une relation qui est régie par le droit civil. Il est donc soumis à la jurisprudence des Cours civiles dans les cas d’analogie de situation. Connaître le droit civil c’est connaître le droit médical.
Depuis 1997, le médecin a une obligation d’information, dont la charge de la preuve est au médecin (art 1315 CC). Il faut noter que cette obligation d’information et la charge de la preuve, s’applique à toute profession qui implique un lien de confiance et un devoir d’information, par exemple les avocats. Dans une jurisprudence récente, la Cour a instauré un devoir de résultat de sécurité pour les praticiens (arrêt «de la table d’examen »). La Cour précise cette obligation de résultat comme étant le soin apporté par le praticien aux choix des outils utilisés à l’acte médical. Cette jurisprudence vient dans la droite ligne de celle de l’arrêt du « cerceau brisé », cas où une école s’est vue imputer cette même obligation dans le choix des jouets mis à disposition des enfants.
Le droit constitutionnel : Les règles appliquées aux médecins sont forcément soumises au regard du droit constitutionnel.
C’est ainsi que certain ont vu dans l’article premier de la loi du 4 mars 2002, une violation du droit constitutionnel, en ce qu’il limitait le droit à réparation des parents au seul dommage moral, violant ainsi le principe du droit à l’indemnisation intégrale de son dommage.(« […]Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée[…]Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale […]. »)
Certains vont même parler de violation de l’art 6.1 CEDH. Celui-ci prévoit que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle[…] » et le fait que «nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance » enlève le droit de l’enfant, d’une manière définitive, à faire valoir ses droits auprès d’un tribunal.
I-3 La loi du 4 mars 2002
Cette loi énonce pour la première fois des règles propres au droit médical, commune au droit privé et administratif. Mais cette loi ne peut être et ne doit être interprétée que par les principes généraux du droit et par la jurisprudence des Cours civiles ou du Conseil d’Etat.
I-4 La « judiciarité de la médecine »
Il y a, actuellement beaucoup de fantasmes sur la question de la relation entre le droit et la médecine. Si le corps médical connaissait mieux le droit et ses mécanismes, les craintes seraient moindres et l’on éviterait le risque d’une médecine trop défensive.
Mais connaître le droit nécessite une volonté individuelle de chaque praticien de s’informer et de se former. Celle- ci doit surtout être de qualité si l’on ne veut pas que les idées fausses circulent, animant ainsi les peurs du corps médical.
Il n’y a aujourd’hui pas plus de contentieux direct contre les médecins qu’hier. Les seuls contentieux ayant augmenté sont ceux à l’encontre des hôpitaux. Cette fausse idée vient de la courbe croissante du nombre de sinistralités. Non pas que ceux-ci aient augmenté, mais les médecins, dans un souci de prudence les déclare tous, même les plus infimes et chaque sinistre n’équivaut pas forcément à un litige.
Ce qui est actuellement alarmant est bien plus l’inflation indemnitaire à laquelle on assiste, qui reste principalement le problème des assurances. Cette inflation est liée à des évènements structurels de grandes envergures, tels les infections du VIH et Hépatite C par transfusion et au fait indéniable, que les juges sont plus larges dans les indemnités.
Il est indéniable qu’il y a de plus en plus de lois dans le domaine médical, mais leurs nombres croissants ne sont-elles pas la réponse à une demande ?
Le droit médical ne doit pas être perçu comme l’ennemi de la médecine mais plutôt comme un atout. Il permet de mettre une ligne directrice de respect de l’individu en lui octroyant, entre autre, une place d’égal à égal dans la relation médecin/patient. Ce n’est plus la rencontre entre une conscience et une confiance mais la rencontre entre deux confiances et deux consciences. Faut-il encore que les praticiens acceptent cette nouvelle relation. C’est dans cette idée que la loi du 4 mars 2002 a été conçue et qu’il faut la comprendre.
II- Les frontières du droit médical
II-1 Droit médical/droit de la santé publique
Cette distinction est nécessaire et pourtant souvent oubliée. La santé publique est tout ce qui concourt à la santé de l’ensemble de la population sur un territoire donné. A ce titre, le droit de la santé publique englobe le droit médical, sans pour autant qu’il en perde sa spécificité.
II-2 Droit médical/déontologie
Le terme de déontologie est ambivalent. A l’origine, c’était l’ensemble des devoirs moraux et éthiques, utiles à la pratique de la médecine, mais sans sanction juridique. La sanction juridique n’est arrivée qu’après guerre, faisant du code de déontologie un décret. Le code de déontologie fait désormais partie intégrante du droit et en particulier du droit médical. En intégrant le droit, il n’est plus soumis à l’interprétation des médecins mais à celles des juges. Les médecins ne sont plus maître de leur déontologie ce qui est, on le comprend, difficile à admettre.
II-3 Droit médical/médecine légale
La médecine légale, c’est mettre à disposition du juge, les connaissances médicales, lui permettant de trancher dans un litige. Le médecin légiste est en quelque sorte l’interprète de la médecine au service des profanes.
II-4 Droit médical/éthique
Il y a deux conceptions basiques du droit : le positivisme juridique, issu de l’école aristotitienne et le droit naturel, issue de l’école platonicienne.
La théorie du droit naturel consiste à dire que les règles morales fondent les règles de droit et qu’une loi ne doit pas être respectée si elle est illégitime. C’est sur ce principe de base que le procès de Nuremberg a été construit. Si l’on se place dans ce courant de pensée, le droit médical doit se fonder sur l’éthique car c’est ce qui le légitime. L’éthique est alors vue comme un instrument , une science auxiliaire du droit.
La théorie du positivisme juridique établit que la loi doit être respectée indépendamment de toute valeur morale tant que les règles formelles d’adoption de la loi aient été respectées. Laisser aux individus le choix d’appliquer ou non une loi selon leur propre valeur morale équivaudrait à instaurer le chaos dans la société. Si l’on se place dans ce courant de pensée, le droit et l’éthique sont à distinguer et ne se recoupent pas.
Actuellement on assiste à une éthique qui se veut une pure normativité. On le voit très bien avec les avis du CCNE, qui se devaient d’être consultatifs, mais qui aujourd’hui prennent une valeur obligatoire. Dans ce sens le CCNE devient une source de droit génératrice de règle, en parallèle au législatif. N’y a-t-il pas confusion des rôles ?
III- Conclusion
La loi est imparfaite car humaine et seules les vertus peuvent pallier à ses lacunes. Le droit médical s’accommode très bien à l’éthique, dans le sens où certains problèmes ne peuvent être résolus par la loi mais par une réflexion morale et éthique. Rédiger une loi pour résoudre un problème n’est pas forcément utile puisque de toute façon elle sera imparfaite et créera d’autres problèmes que ceux pour lesquels elle avait été crée. Il faut donc une certaine modestie quand on exige un
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